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« Phénoménologie et cosmologie », de Renaud Barbaras, Vrin, « Problèmes & controverses », 504 p., 38 €.
Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Renaud Barbaras a patiemment creusé le sillon de la phénoménologie. Illustrée, d’abord, par l’Allemand Edmund Husserl (1859-1938) et, en France, par Maurice Merleau-Ponty (1908-1961), cette démarche de pensée – l’un des principaux courants philosophiques apparus au XXe siècle – consiste à mettre au centre moins l’être que les manifestations du monde à la conscience – les phénomènes.
Dans Phénoménologie et cosmologie, en partie fruit d’un séminaire donné à l’Institut catholique de Paris, le philosophe, professeur émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, explore le paradoxe apparent auquel sa discipline est confrontée. Si la conscience et le monde constituent deux réalités qui se font face – le sujet et l’objet –, comment expliquer que la conscience, qui fait également partie dudit monde, puisse refléter celui-ci en sa totalité ?
La solution que le fondateur de la phénoménologie, Husserl, avait proposée tenait en un mot : « réduction ». Husserl entendait par là qu’il fallait mettre le monde « entre parenthèses » et se concentrer sur la conscience et les phénomènes qui se présentent à elle, afin de demeurer dans le domaine de la certitude et de la vérité.
Mais la plupart des disciples d’Husserl ont déserté cette perspective dite « transcendantale », la jugeant impraticable. Pour Merleau-Ponty par exemple, la réalité du corps restait un point d’intersection concret indépassable dans la relation entre la conscience et ce qui l’entoure.
Renaud Barbaras, soucieux de ne pas ramener la conscience à la pure matérialité du cerveau, suggère dans ce nouveau livre de faire un pas de plus et de montrer que la voie de la phénoménologie, quoique ancienne, demeure grande ouverte.
A travers des pages denses, mais qui seront claires à ceux qui suivront de près ses raisonnements, il défait les oppositions les plus traditionnelles de nos habitudes de pensée, l’espace et la durée, l’intériorité et l’extériorité, la pensée et l’étendue, et conclut qu’on ne saurait faire abstraction du monde et donc d’une perspective « cosmologique » quand on philosophe. Il faut au contraire en penser l’unité profonde. Une unité qui n’a rien d’immobile ni de statique mais qui est dynamique, comme la vie, avec laquelle elle se confond. Tel est le sens qu’il donne au kosmos.
A la fois ambitieux et technique, ce livre se présente comme une enquête sur ceux qu’il reconnaît comme ses précurseurs, en particulier Maurice Merleau-Ponty, l’Allemand Eugen Fink (1905-1975), le Tchécoslovaque Jan Patocka (1907-1977) mais aussi le psychiatre français d’origine polonaise, inspiré par Bergson, Eugène Minkowski (1885-1972). Car jamais un penseur n’est seul au monde.